17 décembre 2007

Métier

Projet académique : Intervention de la FSU au CAEN*

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* CAEN : conseil académique de l’éducation nationale (siègent des représentants de l’Etat, des élus dans les différentes collectivités territoriales, des personnels, des usagers,) Il est présidé par le Prefet de Région et le Président du Conseil Régional

Intervention de la FSU sur le projet académique 2007-2011

Le texte du projet académique 2007-2011 a été validé sans avoir été au préalable présenté ni en CTPA, ni en CAEN, contrairement aux deux projets académiques précédents. Nous avons découvert son lancement dans la presse de rentrée. Sa présentation aujourd’hui est donc tout à fait « symbolique ».

Lors du CAEN de novembre 2006, un vœu présenté par la FSU, pour demander l’organisation d’une journée de réflexion permettant à chacune des forces représentées ici de s’exprimer sur le futur projet, avait été voté à l’unanimité. Mais la mise en œuvre de cette demande par le précédent recteur n’a pas permis les échanges larges souhaités : pas de diffusion des contributions des organisations syndicales, pas de bilan écrit rendant compte des résultats de la journée, et une représentation écrasante des personnels d’encadrement de l’Education Nationale dans l’amphithéâtre et les commissions, au détriment notamment de ces personnels dont on attend pourtant de manière très pressante qu’ils s’approprient le projet et qu’ils se mobilisent au service de sa réussite.

Cette conception du dialogue avec les « acteurs » du projet académique est tout à fait illustrative du contenu du document, lequel fait du renforcement du pilotage hiérarchique le levier principal d’une meilleure « performance » attendue de la part des personnels. Nous rappellerons que, ce faisant, on risque de se priver justement d’un levier essentiel pour la réussite du projet : l’expertise des personnels, leur expérience irremplaçable des publics qu’ils prennent en charge, ne sont nulle part sollicités dans le texte, où l’on voit que les incitations à innover, à expérimenter, à revoir ses pratiques, sont étroitement corsetées par un renforcement de l’encadrement, administratif et pédagogique. C’est un dévoiement de nos missions au profit d’une soi-disant meilleure rentabilité, dans le cadre de la LOLF, mais quel en sera le profit pour les élèves ? Ce projet anticiperait-il sur les bases de discussion actuelles dans le cadre de la Commission Pochard ?

Le tout dans un contexte, comme chacun sait, de programmation de suppressions massives d’emplois dans les années qui viennent, alors que les conditions de travail et d’emploi rendent déjà tout à fait hypothétique la marge de mobilisation supplémentaire des personnels attendue de manière très insistante au fil des pages de ce projet.
Les conditions d’études sont-elles réunies pour un suivi plus différencié des élèves ? La charge de travail moyenne des personnels le permet-elle ? On a l’impression qu’il suffit d’additionner les « il faut », les « on doit » les « on exige » pour que la seule culture de la performance, c’est-à-dire une pression continue sobrement intitulée « accompagnement des personnels » leur permette une plus grande efficacité, l’Etat se dédouanant par la même occasion de toute responsabilité dans la difficulté scolaire, sur le dos de ceux qui sont chargés de prendre les élèves de leur mieux au quotidien.

Quelles sont les ambitions de ce nouveau projet ?

L’élévation du niveau de formation des jeunes de la région est réaffirmée, mais avec des ambitions qui ne sont nulle part précisées, alors qu’il serait indispensable de les définir, à l’aune des besoins sociaux et économiques du pays et de notre région, ainsi que du niveau de formation qui devrait être celui du citoyen éclairé d’aujourd’hui. Il nous semblait pourtant que dans cette instance représentante de la société civile, il y avait un consensus sur l’insuffisance du niveau de qualification de trop de jeunes, et sur la nécessité impérative d’augmenter très sensiblement le nombre des étudiants accueillis dans nos universités.

Dans le projet, c’est l’acquisition du socle commun qui semble ressortir comme étant le niveau de formation minimal de référence, pour nous c’est une régression. Nous rappellerons que, pour la FSU, le niveau de référence est celui du Bac.

L’essentiel des infléchissements du projet porte justement sur le catalogue des mesures à mettre en œuvre dans le cadre de la nouvelle Loi d’Orientation et de la LOLF. Même si le gouvernement a dû revenir sur des mesures comme l’apprentissage junior, qui entrait en contradiction flagrante avec les objectifs de l’académie, les orientations de cette loi, comme nous l’avons déjà souligné de manière récurrente dans cette instance, ne créent pas selon nous les conditions d’une impulsion permettant de rattraper nos retards au service de la formation des jeunes.

Nous constatons au contraire un renoncement à dépasser les handicaps historiques dont souffre toujours notre région, qui pèsent pourtant d’un poids plus lourd qu’ailleurs, avec de grandes disparités entre et à l’intérieur des départements.
Il n’est plus question désormais que de se limiter à « réduire les écarts » entre les établissements et les zones qui, à situation apparemment équivalentes, offrent soit « une valeur ajoutée » soit des résultats insuffisants. Il n’y a plus de handicaps sociaux ou économiques, exit aussi la difficulté scolaire, ses causes, sa prévention, son traitement, comme cause nationale et académique.

Désormais c’est le tout « autonomie », la réponse est à trouver dans le microcosme le plus local, ce qui a l’avantage de déplacer sur les personnels, les familles et les jeunes, la responsabilité de l’échec ou de la réussite, le recteur se donnant comme mission une « égalité des chances » qu’il revient à chacun de saisir ou pas.

Le dispositif d’orientation, qui devrait être un levier important dans la construction de parcours de réussite pour les élèves, réduit ses ambitions à une meilleure information des familles, à un pilotage incitatif des flux censé favoriser les poursuites d’études. La complexité et la réalité du travail de psychologue des COP, auprès d’élèves qui sont des jeunes en construction, est ignorée. Or c’est l’existence même de ces personnels dans l’Education Nationale qui est menacée. Déjà une partie de leurs missions est redistribuée sur les professeurs principaux. Nous avions pourtant insisté sur l’importance de l’orientation, dans une académie où, comme le projet le rappelle, la demande sociale de poursuite d’études est insuffisante, et où l’effort doit justement se concentrer sur les élèves et les familles les plus fragiles. Pensez-vous qu’une externalisation de l’orientation dans un service régional permettrait de guider ce public d’élèves ?

 La prévention du décrochage, les alternatives au redoublement, la nécessité d’éviter les sorties en cours de cursus, de ménager des passerelles, de revivifier les classes d’adaptation, de créer des conditions favorables aux moments charnières de l’entrée en 6e ou de l’entrée en Seconde, sont bien des préoccupations que nous partageons, elles sont évoquées dans le projet, mais sans s’interroger sur les conditions à créer, en dehors du refrain sur la mobilisation des personnels et des établissements.

En conclusion, la FSU est en profond désaccord avec le contenu de ce projet académique, en recul par rapport aux ambitions du précédent, que nous avions voté. Lors des discussions sur le bilan du projet 2006-2007, le bilan rectoral était pourtant lui-même porteur d’interrogations plus riches que ce que nous trouvons dans le produit fini. Les contributions nourries des organisations syndicales n’ont pas été prises en compte, et des réflexions menées dans la même période au niveau du CESR, et sur les mêmes sujets, ont été en gros ignorées par le Rectorat. Nous faisons ici allusion aux deux brochures éditées par le CESR, une intitulée « intérêt et enjeux de l’élévation du niveau de formation initiale en Région Centre » et l’autre « des difficultés d’apprentissage scolaire à l’échec scolaire ». Ces deux dossiers, impulsés par le représentant de la FSU au CESR, ont pourtant été votés à l’unanimité dans cette instance en 2006 et en 2007.

Au final, ce projet n’apparaît que pour ce qu’il est, une figure imposée dépourvue de conviction. Les personnels ne trouveront ni réponse, ni début de solution, à leurs préoccupations quotidiennes, pour leurs élèves, dans ce projet.