25 juin 2017

Métier

Le métier a la parole - Gazette 2

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Gazette n°2

Les mots ont la parole
DILEMME :

Quand un élève perturbe :
- exclure temporairement ou essayer de régler le problème dans le cadre de la classe ?
- s'adresser directement à lui ou éviter la confrontation directe en cas de risque de dérapage ?
> Situation et dilemmes classiques.

Etymologie grecque : di : double, lêmma : proposition

Un dilemme est une alternative menant à des résultats différents, dont les deux parties présentent un égal intérêt. Or le dilemme implique l'obligation de renoncer à un des possibles car une solution et une seule peut être appliquée dans le cadre du cours. Donc le professeur est sans cesse dans l'obligation de faire le deuil d'un possible. Au fil du temps, les façons de trancher les dilemmes peuvent devenir automatiques voire inconscientes.
C'est le travail en collectif, la confrontation entre pairs des façons de faire, donc des manières de trancher les dilemmes, qui permet de faire ressurgir les gestes oubliés, laissés de côté, de les faire revivre dans de nouveaux contextes et d'enrichir ses ressources. Toutes les solutions choisies sont légitimes : elles sont de natures différentes, mais aucune n'est meilleure que les autres. Elles s'excluent dans le moment de l'action. Le travail collectif permet qu'elles restent vivantes et disponibles pour tout un chacun.
Renouer avec les dilemmes du métier, les travailler dans un collectif, c'est retrouver la vie et donc la santé du métier.
Parole de métier
Dialogue sur leur travail entre trois collègues. Extrait d'une transcription.
« A. » a enregistré au dictaphone le début d'un de ses cours. Elles écoutent l'enregistrement (« une trace de l'activité de A »), mettent en pause et échangent sur ce qu'elles entendent. « A. » explique qu'elle apprécie de pouvoir arriver dans sa salle avant les élèves, notamment pour pouvoir écrire au tableau un certain nombre d'informations. Mais dans certains cas, elle ne peut pas le faire, la salle étant occupée l'heure précédente. C'était le cas ce matin-là...

(...)
A- Ce matin c'était le cas et en fait je me dis j'ai dû perdre beaucoup plus de temps. J'ai pas chronométré, mais l'ordinateur y voulait pas s'allumer, les élèves, ils posaient des questions pour les points sur le bac, j'ai pas réussi à retrouver dans ma clé le bon fichier, le bon machin... à un moment donné j'ai vu, à un moment donné j'ai dit, il est déjà 11h20 j'ai rien fait et là je me suis dit...
H- … il faut arrêter, il faut partir et en même temps c'est pas ça.
A-... il faut arrêter et ça (elle montre ce qui est écrit au tableau) je l'ai écrit dans la pause des 2 heures, parce que je l'avais pas préparé et je trouvais que c'était pas judicieux de le dire entre les deux heures.
H- Ce sont des dates, c'est...
A- Voilà c'est, ça a rien à voir avec le cours, il aurait fallu que je l'écrive et que je le dise en début. Mais non je l'ai pas fait.
H-Et là t'aurais pas pu par exemple, faire ce que disait Claire, dire aux élèves : le temps que j'écris au tableau, sortez, regardez votre cours ou je sais pas quoi ?
A-Je rendais un devoir...
H-Ah oui.
A-...
H-Tu rendais un devoir. Et par exemple t'aurais pas... c'est une question que je me suis souvent posée, rendre le devoir et puis ensuite écrire le temps qu'ils lisent ? Là vous relisez le devoir parce que je sais qu'ils relisent jamais les devoirs et que ça m'agace parce que je les ai corrigés... tu vois, leur dire...
A-Oui c'est vrai. J'y ai pas pensé...
H-Tu vois : je rends les devoirs, vous lisez, pendant ce temps j'écris, je vous explique et puis après on reprend. Mais après on fait ça...
A-Oui, mais c'est sûr, c'est sûr...
H... dans le... voilà...
(...)

Ce court extrait montre comment enseigner est une suite de dilemmes qu'il faut trancher, une série de prises de décisions. On voit ici ce que « A » choisit de faire, ce à quoi elle renonce... La réflexion collective permet d'ouvrir/rouvrir pour toutes les trois, le champ des possibles, de nouvelles perspectives, des solutions envisageables, qu'elles prendront, expérimenteront, mettront à leur main ou laisseront de côté, comme elles l'entendront.
Paroles d'auteur

Danièle Linhart, La comédie humaine du travail, Editions Eres, 2015

 
L'auteure, dans cet ouvrage, met en évidence les conséquences du nouveau « management humaniste »  pour les travailleurs. Elle montre que cette façon de « sur-humaniser » la gestion du personnel conduit à s'adresser à la personne et non au professionnel. Ce dernier est nié puisqu' il est demandé à la personne entière de s'engager dans son travail, il n'y a alors plus aucune délimitation entre ce que les individus engagent au travail et ce qu'ils sont.


Voici un premier extrait page 11 qui campe  bien la position de l'auteur : « Le travail salarié (…) est une affaire de professionnels ; il s'accompagne de savoir, de savoir-faire, d'expérience, de métier, de valeurs professionnelles reconnus, lesquels sont là pour guider les personnes au travail. Ce sont des ressources qui permettent aux individus d'affronter le travail et qui les rattachent aux autres ; ils n'ont pas à se confronter solitairement à des défis personnels, mais peuvent mobiliser des capacités, des compétences qui renvoient à une réalité collective. Détenir un métier, des connaissances validées, permet de ne pas mettre sa personne en danger à chaque instant dans son travail, de ne pas avoir à puiser sans cesse dans ses ressources les plus intimes. Or le management moderne s'en prend justement à la personne, taquine ses cordes les plus intimes pour lui faire jouer, avec une touche personnelle, la partition qu'il a, lui, management, écrite tout seul. Peu importe que l'instrument donné ne soit pas accordé convenablement, que le chef d'orchestre découvre la partition en même temps qu'il la fait jouer aux autres, peu importe que les individus n'aient pas le temps de répéter (…) ».


La sociologue explique comment les managers modernes cherchent à « produire de l'amnésie » afin que les travailleurs ne puissent se référer à ce qui se faisait avant, à leur expérience, ni faire appel à leurs collègues : les procédures changent sans arrêt, les personnels sont déplacés d'un endroit à l'autre… travailleurs sans repères devenus dociles qui appliquent les procédures, les « bonnes pratiques sans cesse renouvelées » venant de la hiérarchie, même lorsqu'elles ne prennent pas de sens à leurs yeux, privés qu'ils sont de ressources professionnelles ! Le management moderne ou le taylorisme ont en commun de rendre inutiles les connaissances et savoir-faire des travailleurs !


Danièle Linhart montre finalement que ce n'est pas l'humain qu'il faut mettre au cœur de l'organisation du travail et de la gestion des salariés mais la professionnalité. 


Le dernier mot à Danièle Linhart : « Les travailleurs méritent d'être considérés comme de véritables professionnels dignes de confiance… ».

Le dernier mot n'est jamais dit
- Un collectif de professeurs-documentalistes est constitué.

- Un stage en direction des professeurs néo-titulaires aura lieu le vendredi 31 mars 2017 à Orléans.

- Le prochain collectif métier aura lieu le mardi 7 mars 2017.